PAROLE D’EXPERT – Marion Toison est Directrice Workplace Strategy chez Haworth, concepteur américain de mobilier de bureau et d’espaces de travail. Avec plus de 7000 collaborateurs partout dans le monde, cette société spécialisée connaît parfaitement les différentes cultures d’entreprises. À travers ses aménagements sur-mesure et des solutions innovantes, elle optimise bien-être et productivité dans l’espace de travail collaboratif.
En tant que leader de l’aménagement des espaces de travail, comment définiriez-vous l’évolution des bureaux ces dernières années ?
Nous observons depuis plusieurs années une diminution des bureaux individuels au profit d’espace de travail collaboratif, plus communautaire et plus polyvalent. Les open-space immenses ont laissé la place à des espaces ouverts de 15 à 20 postes de travail maximum.
On parle d’ailleurs plus de positions de travail que de postes. Car dans un même environnement, nous retrouvons des tables projets, des bureaux individuels, et des alcôves pour s’isoler. Ainsi que des canapés et fauteuils destinés autant à la détente qu’aux réunions informelles. L’espace de travail est devenu un réel espace d’échanges pour les collaborateurs.
En tant qu’entreprise internationale, constatez-vous des approches différentes selon les pays ?
Il existe culturellement des différences de rapport à l’espace selon les grandes régions du monde, même si la mondialisation a tendance à les atténuer. L’Amérique du Nord, longtemps bercée par la tradition du Cubicle, raisonne sur une échelle spatiale plus large que l’Asie, où l’on accepte plus de proximité dans l’espace. L’Europe se situe entre les deux.
Les grandes entreprises internationales, toutefois, définissent des chartes d’aménagement mondiales, qu’elles déclinent localement pour prendre en compte certaines spécificités. Mais il existe une volonté d’harmonisation de tous les sites à l’échelle de l’organisation.
Les enjeux de la collaboration et de la concentration dans les espaces collaboratifs font partie des sujets très débattus. L’importance d’une meilleure concentration VS d’une meilleure collaboration est-elle une demande récurrente des entreprises qui font appel à vous ? Quel enjeu prime ?
Aucun enjeu ne doit l’emporter, c’est l’équilibre qui est important. Ces dernières années, l’élan du besoin collaboratif a généré une création trop importante d’espaces de collaboration. Et aujourd’hui, nous nous retrouvons face à un besoin criant de concentration. Celle-ci n’est d’ailleurs pas uniquement individuelle. La concentration collective, qui permet de réfléchir et de produire ensemble, est tout aussi importante.
Nous avons mesuré que, en moyenne, les employés de bureau perdent 28% de leur temps de travail en raison des interruptions et des distractions. Pour résoudre cette équation compliquée entre collaboration et concentration, certaines entreprises envisagent même d’aménager leurs locaux à dessein. Les bureaux seraient dédiés à la collaboration et les activités exigeant de la concentration seraient « délocalisées » dans des tiers-lieux ou à la maison.
En tant qu’aménageur, Haworth travaille toujours sur cette nécessaire respiration entre collaboration et concentration. Cela se traduit par une diversification des espaces proposés aux collaborateurs afin qu’ils puissent choisir le lieu qui conviendra le mieux à une activité donnée.
Il est vrai que dans les grandes villes, la pression sur les mètres carrés ne permet pas toujours d’avoir ce choix. C’est pourquoi l’on voit trop d’espaces ouverts qui accueillent à la fois des activités de collaboration et de concentration. Les collaborateurs, prisonniers du niveau sonore ambiant, finissent alors leur journée épuisés.
Selon vous, le niveau sonore des open spaces est-il une problématique prise suffisamment en compte aujourd’hui ?
C’est une problématique essentielle, beaucoup plus importante aujourd’hui qu’il y a seulement 10 ans. Mais parfois elle est insuffisamment prise en compte dans les projets d’aménagement.
Il faut aussi admettre que les bâtiments ne sont pas toujours conçus pour offrir des conditions acoustiques optimales. Nous travaillons d’ailleurs en partenariat avec Ecophon lorsque les projets qui nous sont confiés exigent de trouver des solutions pour le bâtiment, avant même de penser à l’aménagement.
Comment répondez-vous à cet enjeu ?
Notre mission est à la fois de créer des lieux favorisant les échanges, mais aussi des lieux qui permettent au salarié de s’isoler pour travailler seul. D’après Actineo, qui étudie la thématique de l’espace de travail idéal, l’amélioration des performances individuelles en termes de production et de concentration fait partie du Top 3 des attentes des employés de bureau.
Nous engageons toujours une vraie réflexion autour de l’agencement et la séparation des espaces. Le mobilier, comme les cloisons et écrans acoustiques, ou les box pour le travail concentré seul ou à plusieurs, peuvent répondre à certains besoins. Mais dans les open spaces traditionnels, le collaborateur a besoin de pouvoir contrôler son propre espace sonore. Ce qui passe par la filtration des conversations environnantes, sans se déconnecter totalement de l’activité collective. Les écouteurs Tilde® lui apportent alors ce compromis et ce confort.